vendredi 29 janvier 2010

Hygiène de vie

« Dites-moi, cela ne vous est-il jamais arrivé ? Vous êtes couchée dans la nuit, vous regardez le plafond dans le noir, paralysée de terreur et de douleur et soudain, quelque part à l'étage, un enfant pleure et pleure à votre place ? Ne vous est-il jamais arrivé qu'au théâtre des hommes meurent, se battent et chantent à votre place ? Ne vous est-il jamais arrivé de voir à l'horizon un oiseau qui vole à votre place, les ailes déployées, tranquille, heureux, disparaissant au loin pour ne jamais revenir ? N'avez-vous jamais trouvé une route dont les pavés sont capables de supporter précisément autant de pas qu'il vous en faut pour vous libérer de la douleur ?
Je crois fermement que le monde vient à votre secours. On ne sait ni comment, ni par quoi. Il survient inopinément, simplement, avec compassion. Parfois, être sauvée est presque aussi douloureux que la douleur elle-même.
(…)
Non, ne vous étonnez pas. Il ne faut pas s'étonner. Peut-être faut-il en pleurer. Il faut serrer sa tête dans ses mains et aimer la vie avec ardeur, avec tant d'ardeur que tout cet amour finira par l'attendrir et par racheter sa malédiction. »

Milena Jesenská, “Mystérieuses rédemptions”, dans Vivre (recueil d'essais et de reportages, paru aux éditions Lieu Commun en 1986)

jeudi 28 janvier 2010

A Sad Day for Bananafish

“It's everybody, I mean. Everything everybody does is so – I don't know – not wrong, or even mean, or even stupid necessarily. But just so tiny and meaningless, and – sad-making. And the worst part is, if you just go bohemian or something crazy like that, you're conforming just as much as everybody else, only in a different way.” She stopped. She shook her head briefly, her face quite white, and for just a fractional moment she felt her forehead with her hand –less, it seemed, to find out whether she were perspiring than to check to see, as if she were her own parent, whether she had a fever. “I feel so funny”, she said. “I think I'm going crazy. Maybe I'm already crazy.”

Franny, dans Franny and Zooey, de JD Salinger, 1919-2010